L’effet Barnum!
Cet article est le premier d’une série sur les biais cognitifs. En psychologie cognitive, ce sont des schémas systématiques de pensée provoquant des erreurs (ou déviation) du jugement. Au programme aujourd’hui : l’effet Barnum.
L’expérience de Forer : vrai test de personnalité et fausse restitution
Au sortir de la seconde guerre mondiale, le psychologue Bertram Forer met en place l’expérience suivante auprès de ses étudiants :
– Il fait passer un test de personnalité à chaque personne du groupe.
– Au lieu d’utiliser les résultats des tests il remet à chacun d’entre eux la même description élaborée à partir de plusieurs horoscopes comme dans l’exemple suivant :
« Vous avez besoin que les autres personnes vous aiment et vous admirent mais vous êtes tout de même apte à être critique envers vous même. Bien que vous ayez quelques faiblesses de caractère, vous êtes généralement capable de les compenser. Vous possédez de considérables capacités non employées que vous n’avez pas utilisées à votre avantage. Quelques-unes de vos aspirations ont tendance à être assez irréalistes. Discipliné et faisant preuve de self-control extérieurement, vous avez tendance à être soucieux et incertain intérieurement. Quelquefois vous avez même de sérieux doutes quant à savoir si vous avez pris la bonne décision. Vous préférez un petit peu de changement et de variété et êtes insatisfait lorsque vous êtes bloqué par des restrictions ou des limitations. Vous êtes également fier de vous-même en tant que penseur indépendant et n’acceptez pas les déclarations des autres sans preuve satisfaisante. Vous trouvez imprudent d’être trop franc en vous révélant vous-même aux autres. »
– Il demande à chacun d’évaluer entre 0 et 5 (de médiocre à excellent) la pertinence de la description de la personnalité.
Cette expérience à été reconduite par divers psychologues ces 70 dernières années et les résultats sont similaires : les notes sont toujours très élevées (plus de 4,2/5). Si vous vous êtes reconnu dans cette description, vous avez subi l’effet Barnum (ou effet de validation subjective) qui désigne « un biais subjectif induisant toute personne à accepter une vague description de la personnalité comme s’appliquant spécifiquement à elle-même » (wikipedia)
Pour mettre en place ce biais, il faut bien évidemment que la personne soit persuadée que l’analyse s’applique à elle seule et que les traits décrits soient majoritairement positifs (narcissisme, quand tu nous tiens!). On peut également renforcer le dispositif avec l’autorité morale de l’évaluateur, ou plus exactement en renforçant la perception que la personne a de l’autorité de l’évaluateur (énoncer des titres universitaires ou une belle blouse blanche fera son effet). Les psychologues Dickson et Kelly également ont mis en évidence d’autres facteurs, plus secondaires, pouvant faire augmenter l’évaluation de la pertinence de ce type de description.
« Il y a un naïf qui vient au monde à chaque minute » Phineas Taylor Barnum
Le nom vient d’un organisateur de spectacle Phineas Taylor Barnum, ayant sévi au 19ème siècle et se décrivant lui -même comme le « prince des charlatans ». Dans les années 1850, alors en difficulté dans ses affaires, il développe une technique qui consiste à proposer des descriptions de personnalité vagues et générales, tout en les adressant à une personne ciblée. On lui attribue la phrase « There’s a sucker born every minute » [Il y a un naïf qui vient au monde à chaque minute].
le psychologue Paul Meehl donnera le nom « effet Barnum » a ce biais cognitif qui est particulièrement utilisé en astrologie, voyance, dans nombreuses typologies présentant les personnalités, en politique et bien sûr dans les relations de séduction !
Crédulité et complaisance
François Filiatrault (Romancier, professeur de psychologie) éclaire les rouages de ce phénomène. En effet, « chacun de nous est invité à se considérer unique » nous dit le professeur Montréalais, « l’individu, sans s’en rendre compte, en définira les contours ou en comblera les vides avec ses propres images et représentations mentales, croyant les y trouver véritablement ». De plus comme il est essentiel de garder une image stable et positive de soi, nous allons « rechercher en priorité ce qui la confirme de façon agréable ; c’est le parti pris de complaisance ».
Source : Hogrefe
Mots clés : biais cognitifs